Cette angoisse est fréquente dans toute la population, quel que soit le niveau d'éducation, spécialement chez les gens qui n'ont pas l'habitude de faire des discours.
Pourquoi la retrouve-t-on partout ? Parce que quel que soit votre niveau personnel de culture, ce que vous dites est incompréhensible pour ceux qui n'en sont pas à ce niveau. On peut être de très haut niveau et être incompris, c'est même plutôt la règle. L'intelligence génère de l'incompréhension.
Et ça, vous n'y pouvez pas grand chose, si ce n'est apprendre à être pédagogue. Nous en reparlerons.
Mais il y a aussi votre manière de communiquer, votre manière de parler et votre attitude générale.
Je me sens incompris. Pourquoi ?
- Voir aussi Angoisse du discours, comment la vaincre
Comment s'y prendre ?
D'abord, évitons de se remettre sans cesse en cause, à la mode "psycho".
Nous lisons ceci sur un blog:
Certaines réactions vont être le pur reflet de ses propres incompréhensions (...). Si on n’accepte pas la différence de comportement et de réactions, on ne peut pas comprendre pourquoi l’autre agit différemment. Voilà comment un sujet de conversation dévie toujours (notez le "toujours"). Ce sont des simples réactions en chaines (tout est toujours très simple sur les blogs), mais tout comme les émotions se parlent entre elles par résonnance (sic) et mimétisme, toutes les émotions que les mémoires véhiculent font de mêmes et rejaillissent à la surface.
Parfois il suffit d’accepter de ne pas tout comprendre, que certaines choses nous dépassent parce que l’on n’arrive tout simplement pas à concevoir un autre système de pensées. Lorsqu’on partage sa vérité, on souhaite être reconnu avec nos pensées et nos ressentis car ils font part entière de nous. Si on constate un refus ou un déni (souvent exprimé par un haussement de ton, rythme de voix hâtif, colère, fuite, silence), on se sent rejeté et donc une part de nous se sent mal-aimé. On en conclut que l’autre ne nous accepte pas comme on est vraiment.
La différence est parfois difficile à accepter parce que le partage la réveille en nous en toutes sortes de réactions (c'est donc bien de votre faute). Sachez que vous aurez beau passer des heures à expliquer, si l’autre en face ne veut pas accepter, et ne veut pas écouter, il ne comprendra pas. Il est aussi courant que l’on s’obstine à s’expliquer alors que l’autre en face vous a compris, mais là, peut être est-ce vous qui attendez une réponse particulière de sa part comme signe / preuve de compréhension.
Psychologisme douteux
On vous explique ici que c'est vous qui avez un problème. C'est psychologique.
Voilà qui est la grande constante. On ne cherche pas plus loin. Tout est psycho. Le poison du psychologisme a été inoculé dans toute la pensée occidentale et africaine (moins présent en Amérique du sud et en Asie).
Or, on oublie des facteurs qui sont bien plus importants.
Améliorez déjà votre expérience
Tout ce que vous êtes dépend de ce que vous avez vécu et fait.
Je me sens surtout loin de maîtriser la situation. Tel est mon sentiment.
Tout d'abord, la crainte d'être incompris vient essentiellement d'un manque d'expérience ou d'habitude. La première clé est donc de pratiquer la communication.
Ensuite, il faudra aussi cesser de se regarder. Pour rompre avec ce psychologisme qui ramène tout au "moi" - et à tort -, il s'agit de ne plus prendre autant en considération ce que nous ressentons.
- Voir aussi L'autocontemplation, source essentielle de l'angoisse; comment s'en libérer (article en cours de rédaction)
Imaginez que désormais, juste par esprit de contradiction, vous décidiez de ne plus vous occuper de ce que vous pensez de vous-même ? Ce serait un bon moyen de chasser l'angoisse, croyez-nous. On attache trop d'importance à sa personne. Spécialement quand on est jeune, cela passe avec l'âge, le plus souvent (et le plus normalement, un vieil orgueilleux est comparable à un fou). Essayez de vous affranchir de ce regard permanent sur vous-même. Vous avez une mission, il faut l'accomplir, peu importe votre aspect, votre image. C'est un bon exercice.
En Chine ancienne, l'abbé supérieur d'un temple obligeait tous les postulants à traverser la ville habillé en clochard, portant un gros poisson pourri sur la tête. C'était un moyen de débarrasser de l'ego. L'ego est un piège quand on veut être bon communiquant.
Peut-être que vous communiquez mieux que vous ne le pensez. Peut-être que vous communiquez moins bien que vous le croyez.
En outre, sachez une chose : votre manière d'être, votre langage corporel plaira forcément à un certain public. Pas à tout le monde.
Il ne s'agit pas de plaire à tout le monde
Plaire à tout le monde, c'est en effet être compris par tout le monde. Mais c'est aussi être creux. Or, ce n'est pas le but. C'est bon pour le présentateur télé semi-débile d'émissions populaires, issu de la clique indévissable des médias. Visez au-dessus, visez un certain public.
Même quand on a bien défini son public, on n'est pas censé plaire tout le temps. Daudet disait que tout bon journal doit déplaire à au moins 10% de son public à chaque numéro. Il avait raison. Déplaire n'est pas être incompris. C'est souvent être parfaitement bien compris.
Soit vous cherchez à être compris de tout le monde, soit vous cherchez à être compris de certaines personnes.
Vous visez "tout le monde"
C'est-à-dire personne de manière précise. En ce cas, qu'il y ait une part de timidité, une part de maladresse, ou un manque d'habitude, cela se réglera avant tout par davantage de pratique. Allez donc discuter avec des gens dans les cafés, sur les gradins des stades, sur le parvis de l'église ou n'importe où qui vous conviendra.
Allez-y juste pour vous écouter discuter. Le sujet n'a pas d'importance.
Si vous cherchez à être compris de "tout le monde", votre entourage, les gens, alors vous apprendrez les règles basiques de la communication:
- Habituez-vous à exprimer ce que vous voulez dire en peu de mots: soyez synthétique, car c'est ainsi que vous trouverez les mots les plus justes
- Dites les choses en regardant les gens, avec franchise et confiance
- Employez des images, des paraboles. Le Christ utilise sans cesse des histoires imaginaires, celle du serviteur qui triche dans le dos de son patron, celle des pièces d'or qu'on cache au lieu de les utiliser. Cela aide à comprendre.
- Comprenez ce que l'autre dit en répétant ses propos, pour vous en assurer: "Donc, selon toi, blabla...". Si vous avez mal compris, ce sera vite vu.
- Si vous voulez être haut de gamme, cultivez-vous et arrêtez de croire qu'Internet vous nourrira intellectuellement, seul le livre le peut (toutes les études concordent, lire un livre papier est vraiment différent pour le cerveau, parce que le livre développe beaucoup plus la pensée que les articles)
PS : Quand vous vous exprimez dans un groupe, au lieu d'accaparer le discours, distribuez la parole: "Et toi Frédo, qu'en dis-tu ?" Cette manière de faire amènera chacun à attendre votre point de vue avec impatience.
Vous visez un public spécial
Employeur, fille rencontrée dans une soirée, garçon qui travaille dans le bureau voisin, éditeur de votre manuscrit, examen d'un jury, juge lors d'un procès, clientèle, vous visez des gens spécifiques.
Il s'agit de plaire à ce public que vous visez. "Je me sens incapable de séduire ou de convaincre ce public là, précisément."
D'abord, définissez-le. Quel est-il ? Donnez une tranche d'âge à ce public, précisez-le, quel personnage courant serait le plus proche de ce public : une mère de famille de 40 ans avec deux enfants, un leader charismatique africain, un banquier ? Précisez ce personnage, cela vous conduira à la question suivante :
Qu'est-ce qu'il aime ? De la précision ? Du talent ? Du mouvement ? De grandes phrases ? Du calme ? Alors, adaptez-vous.
Vous devez commencer par là. Si vous avez des manières italiennes et que ce juge est un mormon, il faudra apprendre à limiter votre gestuelle.
Ensuite, il y a le fond du discours.
Rappelez-vous qu'il y a deux axes fantastiques: la logique et le talent.
La logique
La logique d'abord. Vous êtes plus un "émetteur" qu'un "récepteur" ? Vous pensez que vous avez du talent davantage que de la logique ? Attention : terrain miné.
Un talent qui démarre sans logique, c'est exaspérant, cela fait passer pour hurluberlu.
On n'a jamais vu de film commencer par un chaos, ce serait sans intérêt. Il y a toujours un décor acceptable du point de vue logique.
Vos propos doivent toujours se situer dans une phase logique, jusqu'au moment où vous avez l'adhésion totale de votre public.
L'incompréhension vient d'abord d'une cassure logique dans votre discours.
Ensuite, il y a les options politiques, les opinions, les goûts.
Vous n'êtes pas compris sur ces sujets ? Que vous importe ? Les gens n'ont pas votre opinion, et alors ? Le monde est riche de ses variations. A supposer que ces gens soient totalement à côté de la plaque, vous n'allez pas les changer. Exprimez votre position avec logique, posément. Si ce n'est pas accepté, ce n'est pas grave : leur avis n'est pas si important sur ce chapitre. Il y a des gens adorables qui sont nuls sur des tas de sujets. Evitez ces sujets. Tout simplement.
C'est pourtant un sujet crucial ? Alors, aménagez davantage votre explication, prenez le temps. Voyez comment discuter avec quelqu'un qui ne vous entend pas ou même qui refuse de vous comprendre ou vous est hostile a priori. Nous en reparlerons.
Le talent
Le talent, ça se travaille. Et ça se travaille en pratiquant, ça vient avec l'assurance et l'imagination, avec la spontanéité qui dépend étroitement de votre habitude. Pas de talent durable sans pratique, quoi qu'on en pense !
On n'a pas de talent sans avoir rien fait.
Il s'agira pour vous de travailler votre topo, votre prestation, d'y ajouter des éléments originaux, sans perdre de vue le besoin d'être logique, au moins au début.
Partez d'arguments fiables, irréfutables, de façon à vous mettre dans la poche le subconscient de votre interlocuteur, qui intégrera le fait que vous savez construire la pensée. C'est déjà énorme.
Quand Raymond Devos fait un excellent sketch absurde, sa logique se développe vers l'absurde, au point que l'absurdité devient la logique nécessaire, c'est ce que le public attend ! Il serait beaucoup moins drôle s'il revenait brutalement à un discours logique, ce serait illogique.
Donc, construisez les choses.
Des techniques
Il y a aujourd'hui des moyens de s'améliorer sans se casser la tête.
Par exemple, filmez-vous, seul, chez vous, expliquant quelque chose ou, si vous êtes paralysé, en lisant un livre (papier). Et regardez-vous de manière neutre. Êtes-vous audible ? Êtes-vous agréable à regarder ? Comprend-on ce que vous racontez ?
Se filmer 20 fois, et non pas seulement deux ou trois fois. Faites des vidéos sur le net, vous verrez comme c'est instructif !
Faites des échanges, par skype ou dans la vraie vie.
Bref, pratiquez. La pratique est une clé.
Botter en touche
Il arrive qu'on ne soit pas compris parce qu'on n'a pas été clair, parce qu'en fait, on n'a pas grand chose à dire ; ou on n'est pas très au point sur la question.
Pas de problème. Sachez vous taire, sachez ne pas vous exprimer, sachez dire: "Je n'ai aucun avis sur le sujet". Voire : "C'est une question qui ne m'intéresse aucunement."
Cela vous permet même de revenir dans la discussion avec: "Si je vous ai dit que cette question ne m'intéresse pas, c'est parce qu'elle est mal posée. En fait, blabla..." Plus piquant !
Si vous êtes spécialement intelligent
Si vous êtes quelqu'un de spécialement intelligent, il s'agit de développer votre talent en direction d'un public et de mépriser complètement les autres publics, qui de toute façon ne pourront que vous négliger, se détourner de vous, vous haïr même pour votre intelligence.